25 octobre 2023

Absence fatale


 



L'homme meurt si on le prive de pain,

mais il dépérit et se fane en l'absence de rêves.
.

J.K. Stefansson


 
 
 

22 octobre 2023

Moz-art ;-)

 

 

 
  

La beauté de la musique - comme celle de la lumière - 
 
est celle de la rapidité, de la mobilité, de l'insaisissable.
.
 
Jean-Michel Jarre
.



20 octobre 2023

Excès de mots

 


 
 
Je hais l'excès de mots.
.
Je voudrais n'écrire
que des mots insérés
dans un grand silence
.
Comme cette estampe
avec une branche fleurie
dans un angle inférieur
.
Quelques coups de pinceaux délicats
et tout autour un grand espace
Non pas un vide
disons plutôt un espace inspiré
.
Si j'écris un jour
et qu'écrirai-je au juste
je voudrais tracer ainsi
quelques mots au pinceau
sur un grand fond de silence
.
 
Etty Hillesum
en 1942

.




19 octobre 2023

Compteur d'étoiles

 

En voilà un qui n'a manifestement pas bien compris le concept...
 
(du silence mental) ! 
 
;-)
 

 
 
 
 
Être artiste veut dire ne pas calculer, ne pas compter, 
mûrir tel un arbre qui ne presse pas sa sève, 
et qui, confiant, se dresse dans les tempêtes printanières 
sans craindre que l'été puisse ne pas venir.
.
 
Rainer Maria Rilke 
"Lettres à un jeune poète"
 
 .
 
 
 

18 octobre 2023

Silence mental

 photo personnelle


 

Définissons donc le silence mental. 

Il ne s'agit nullement d'un mystère 
ni d'un pouvoir interdit aux simples mortels.
Ce n'est pas la bêtise d'un bovin à deux pattes. 
Ce n'est pas le "silence" d'un crétin.

Un piano de concert de grande marque est, 
au point de vue qui nous intéresse, silencieux, 
alors qu'une merveilleuse sonate 
résonne sous les doigts d'un concertiste. 
Tous les auditeurs entendent la sonate, la musique, 
mais le piano-individu reste silencieux... 
Le pianiste retire ses mains et le piano se tait.

Un piano de mauvaise qualité ajoute des vibrations, 
des craquements, des grincements, la mécanique résiste, 
 le son ne sort pas ou sort trop dans l'aigu 
et pas assez dans les basses, il ne tient pas l'accord... 
Le piano s'exprime au lieu d'être un canal silencieux...

Le silence du piano n'est pas d'être muet : 
ce ne serait pas un piano mais un meuble décoratif ;
 le silence du piano consiste à ne pas interférer 
tout en servant de support à la musique 
qui descend à travers les doigts du concertiste.

Tel est le silence mental.
[...]

Le silence mental ne consiste pas à tout arrêter, 
à faire le vide et refuser tout ce qui pourrait pénétrer 
(inspiration, vision, etc.)
 mais à fonctionner sans heurts, sans interférences.

Ce silence s'obtient par la pratique 
ou par une grâce divine exceptionnelle. 
L'entraînement est de tous les instants.
[...]
Le silence mental est une clé ; 
elle est offerte à chacun, mais elle n'est pas à vendre.
.
 
Claude-Gérard Sarrazin

 

 

14 octobre 2023

Conteur d'étoiles

 

Hubert Reeves vient de nous quitter...

Bon voyage à lui dans les étoiles qu'il aimait tant !


.  
 
 
En souvenir, une petite vidéo 
 
dans laquelle il nous rappelle que,
 
pointer son télescope vers le cosmos, 
 
c'est faire un fabuleux voyage...
 
 temporel !
 
.

Et le voici, tout jeune encore,
 
dans une interview d'il y a 50 ans !


   




03 octobre 2023

Le conteur de Prague

 

 
Il était une fois un homme nommé Yacoub. 
Il vivait pauvre mais sans soucis, heureux de rien,
 libre comme un saltimbanque, 
et rêvant sans cesse plus haut que son front. 
En vérité, il était amoureux du monde. 
Or, le monde alentours lui paraissait 
morne, brutal, sec de coeur, sombre d'âme. 
Il en souffrait. 
" Comment, se disait-il, 
faire en sorte qu'il soit meilleur ?
Comment amener à la bonté ces tristes vivants 
qui vont et viennent 
sans un regard pour leurs semblables ? ". 
Il ruminait ces questions par les rues de Prague, 
sa ville, errant et saluant les gens qui ne lui  répondaient pas.
Or un matin, comme il traversait une place ensoleillée, 
une idée lui vint.. 
 
"Et si je leur
racontais des histoires, pensa-t-il. 
Ainsi, moi qui connais la saveur 
de l'amour et de la beauté, 
je les amènerais assurément au bonheur." 
Il se hissa sur un banc et se mit à parler.
Des vieillards, des femmes étonnées, des enfants, 
firent halte un moment pour l'écouter, 
puisse détournèrent de lui et poursuivirent leur route.
 
Yacoub, estimant qu'il ne pouvait changer le monde en un jour, 
ne se découragea pas.
 
Le lendemain il revint en ce même lieu 
et à nouveau lança au vent à voix puissante, 
les plus émouvantes paroles de son coeur. 
De nouvelles gens s'arrêtèrent pour l'écouter, 
mais en plus petit nombre que la veille. 
Certains rirent de lui. 
Quelqu'un le traita même de fou, 
mais il ne voulut pas l'entendre. 
"Les paroles que je sème germeront, se dit-il. 
Un jour elles entreront
dans les esprits et les éveilleront. 
Je dois parler, parler encore."
 
Il s'obstina donc et, jour après jour, 
vint sur la grand place de Prague 
parler au monde,conter merveilles, offrir à ses pareils 
l'amour qu'il sentait. 
Mais les curieux se firent rares, disparurent, 
et bientôt il ne parla plus que pour les nuages, 
le vent et les silhouettes pressées
qui lui lançaient à peine un coup d'oeil étonné, en passant. 
Pourtant il ne renonça pas.
 
Il découvrit qu'il ne savait et ne désirait rien faire d'autre 
que conter ses histoires
illuminantes, même si elles n'intéressaient personne. 
Il se mit à les dire les yeux fermés, 
pour le seul bonheur de les entendre, 
sans se soucier d'être écouté. 
Il se sentit bien en lui-même 
et désormais ne parla plus qu'ainsi: 
les yeux fermés. 
Les gens, craignant de se frotter à ses
étrangetés, le laissèrent seul dans ses palabres 
et prirent l'habitude, 
dès qu'ils entendaient sa voix dans le vent, 
d'éviter le coin de place où il se tenait.
Ainsi passèrent des années. 
 
Or, un soir d'hiver, comme il disait un conte prodigieux 
dans le crépuscule indifférent, 
il sentit que quelqu'un le tirait par la manche. 
Il ouvrit les yeux et vit un enfant. 
Cet enfant lui fit une grimace goguenarde 
et lui dit en se hissant sur la pointe des pieds:
- Ne vois-tu pas que personne ne t'écoute, 
ne t'a jamais écouté, ne t'écoutera jamais ? 
Quel diable t'a donc poussé à perdre ainsi ta vie ?
 
- J'étais fou d'amour pour mes semblables, répondit Yacoub. 
C'est pourquoi, au temps où
tu n'étais pas encore né, 
m'est venu le désir de les rendre heureux.
Le marmot ricana:
- Et bien, pauvre fou, le sont-ils?
- Non, dit Yacoub, hochant la tête.
- Pourquoi donc t'obstines-tu ? demanda doucement l'enfant, 
pris de pitié soudaine.
 
Yacoub réfléchit un instant.
- Je parle toujours, certes, et je parlerai jusqu'à ma mort. 
Autrefois, c'était pour changer le monde.
Il se tut, puis son regard s'illumina.
Il dit encore:
- Aujourd'hui c'est pour que le monde, lui, 
ne me change pas.

 

Henri Gougaud
"L'arbre aux trésors"

 

   
 
 
 

02 octobre 2023

Persévérer

 

Persévérer à chercher davantage la saveur que le savoir,
le balbutiement que la rhétorique satisfaite.

Persévérer en ces temps de fer à faire crédit
à ce qui est fragile, à ce qui vacille, à ce qui fait faillite.

Persévérer à avoir foi en chaque homme,
à préférer être déçu dix fois
plutôt qu'hostile une seule fois.

Persévérer à n'investir
que dans le sable qui coule entre les doigts
et dans les espérances non cotées en bourse.
 
 
 

Persévérer à croire
que l'instinct primordial en chaque homme
est la vénération
et que c'est la répression de ce désir
qui rend haineux et fou.

Persévérer à voir Dieu partout.
Entre les lignes des slogans, dans les caniveaux des villes
et sur les murs des banlieues,
à l'entendre dans le braillement des haut-parleurs,
dans le crissement des freins
et dans le frrrrrt... d'un oiseau envolé.

Persévérer à préférer que la raison me quitte
plutôt que l'espoir.
Et l'espoir plutôt que l'amour.

Persévérer.

Pour que la gangrène de l'indifférence
ne se propage pas.
.
 
Christiane Singer